Il y a la composante « domestique », désignant les espèces directement sous la dépendance de l’homme – les animaux de compagnie (chien, chat, abeille domestique, etc.), les plantes d’ornement, les arbres plantés dans les rues, les squares ou les parcs…
La composante « spontanée », c’est-à-dire les espèces non directement dépendantes de l’homme. Dans ce groupe, on distingue les espèces « indigènes » (présentes naturellement dans la région) de celles dites « naturalisées » (introduites par l’homme, mais qui se sont acclimatées dans la région et s’y reproduisent naturellement, sans intervention humaine directe). Certaines peuvent devenir « invasives », comme la renouée du Japon ou la perruche à collier.
On distingue enfin l’« espèce ingénieur » de cette biodiversité urbaine. C’est-à-dire celle qui y a une action déterminante, l’espèce humaine.
Un monde d’interactions
Nombre d’interactions régissent ces différentes composantes. Les arbres plantés et les espaces végétalisés constituent en ville les habitats de nombreuses espèces spontanées, fongiques (champignons, lichens), végétales (bryophytes, plantes à fleurs…) et animales (insectes, oiseaux, mammifères…).
Certains animaux domestiques assurent la pollinisation (comme les abeilles) et la dissémination (les chiens ou les chats, par exemple) de nombreuses espèces végétales indigènes, mais ils peuvent également être des prédateurs d’espèces animales spontanées – à l’exemple du chat pour les oiseaux. Enfin, en créant et entretenant la plupart des milieux urbains, l’espèce humaine a introduit ou favorisé un grand nombre d’espèces dont elle régule directement ou indirectement les populations.
Cette biodiversité urbaine rend de nombreux services dits « écosystémiques », que ce soit par le stockage de carbone dans les végétaux ligneux, l’absorption et la réduction des pollutions urbaines, l’atténuation des îlots de chaleur urbain, la régulation du cycle de l’eau. Elle contribue grandement au bien-être et à la santé des populations humaines et représente de façon évidente un vrai enjeu de société.
Rendez-vous au parc Montsouris
D’une superficie de 15,5 hectares, le parc Montsouris est un parc « haussmannien » dont la création a été décidée sous le Second Empire pour offrir un lieu de promenade aux Parisiens. Sa création sur d’anciennes carrières a été pilotée par A. Alphand, ingénieur en chef du service des promenades et plantations de la ville de Paris.
Inauguré en 1869, mais achevé seulement au cours des années 1870, il a donc environ 150 ans d’âge. Sa topographie vallonnée présente une alternance de pelouses et de zones boisées ; il est agrémenté dans sa partie la plus basse par un lac artificiel.
Un chemin circulaire très fréquenté permet aux promeneurs de faire le tour du parc. Des compétitions sportives ou ludiques y sont régulièrement organisées. De nombreux espaces de jeux pour les enfants ont été créés, surtout dans la partie est sur l’allée de bordure du lac. Un kiosque à musique, également utilisé pour des activités de sport en groupe permet des activités musicales ou sportives. Un espace de jardin partagé a en outre été mis à la disposition du public.
D’autres parties du parc sont moins fréquentées, permettant d’avoir des secteurs préservés pour les personnes recherchant le calme. Certaines zones du parc sont densément boisées, correspondant à de petites « forêts urbaines », véritables havres de fraîcheur pendant les canicules estivales. Ce rôle a été bien reconnu par la ville de Paris puisque le parc est maintenu ouvert toute la nuit lors des épisodes caniculaires.
Les pelouses du parc sont ouvertes au public comme espaces de jeu, de repos et de pique-nique. Certains jours de beau temps, ce sont des centaines, voire des milliers de Parisiens qui en profitent.
Des arbres et des oiseaux
Le parc Montsouris apparaît comme un « point chaud » de biodiversité, c’est-à-dire un site présentant une biodiversité remarquable à Paris.
La composante végétale y est principalement d’origine anthropique ; elle correspond aux arbres et arbustes plantés, ainsi qu’aux multiples plantes herbacées introduites et cultivées par l’homme. Les plantations initiales doivent beaucoup au paysagiste J.P. Barillet-Deschamps, à l’époque jardinier en chef de la ville de Paris.
Le parc comporte actuellement environ 1 300 arbres, qui y ont été plantés au cours des 150 dernières années. Ils correspondent à plus de 140 espèces, rattachées à 37 familles végétales différentes. Ces espèces ont des origines géographiques diverses, avec principalement des espèces à distribution asiatique (36 %), nord-américaine (28 %) et méditerranéenne (20 %). Il n’y a en effet qu’une quinzaine d’espèces (soit environ 11 %) qui correspondent à des essences indigènes en Ile-de-France, dont la flore ligneuse naturelle est peu diversifiée.
Certains arbres du parc ne sont que rarement observables en région parisienne, comme l’arbre à gomme (Eucommia ulmoides), le chêne liège, le gommier noir ; certains sont remarquables par leur âge et leurs dimensions comme un superbe platane commun, âgé d’environ 180 ans et présentant une canopée exceptionnellement étendue.
La strate arbustive est également dense et très diversifiée, avec des espèces spectaculaires comme le chimonanthe précoce, le cornouiller du Japon ou encore le staphyllier penné. S’y ajoute de nombreuses plantes herbacées à fonction décorative.
Ce peuplement végétal dense et composite, formant des habitats naturels diversifiés, permet la présence d’une faune variée. Peu de données sont disponibles sur les invertébrés, mais la présence de lépidoptères, hyménoptères, coléoptères, diptères, odonates, etc., est attestée. Plusieurs espèces de poissons ont été introduites dans le lac, de même que la tortue de Floride.
Mais c’est l’avifaune qui est certainement la mieux connue dans le parc, d’autant plus qu’il abrite les locaux de la délégation Ile-de-France de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui y organise régulièrement des sorties de découverte des oiseaux. La diversité des habitats y permet la présence et la reproduction d’une trentaine d’espèces d’oiseaux indigènes franciliennes. Parmi les espèces les plus remarquables pour Paris, citons l’épervier d’Europe, le pigeon colombin et le pic vert.
S’y ajoute quelques espèces d’oiseaux exotiques introduits, comme des canards et des cygnes, ainsi que la perruche à collier qui a colonisé spontanément le parc à partir de 2008 et s’y reproduit maintenant régulièrement. Les mammifères sauvages semblent peu abondants (pipistrelle commune, écureuil roux, hérisson commun et d’autres micromammifères).
Quelle biodiversité pour les parcs urbains ?
Conçu à sa création, au XIXe siècle, comme un parc d’agrément et de loisir pour les populations parisiennes, le parc Montsouris constitue aujourd’hui grâce à la richesse de sa flore ligneuse, un véritable arboretum. On l’a vu, il offre au regard des visiteurs une grande variété en essences arborescentes, dont certaines espèces peu présentes à Paris. Il constitue ainsi une vitrine sur des arbres d’origines et d’allures très diverses, allant des séquoias des Montagnes rocheuses aux pins de l’Himalaya, en passant par les tulipiers de Virginie, les cèdres du Liban et diverses espèces méditerranéennes de chênes et de sapins.
À l’heure des bouleversements environnementaux (climatiques particulièrement), un tel parc permet d’expérimenter et d’étudier l’acclimatation possible en milieu urbain d’essences exotiques nouvelles, susceptibles de rendre des services écosystémiques importants. Et la présence dans le parc d’une station météorologique permet d’établir des corrélations précises entre les variations de températures et le développement des ligneux.
On l’a vu, la composition arborescente du parc offre des paysages remarquables en formes et couleurs et y crée aussi des îlots de fraîcheur dans ses zones les plus densément boisées. Tous ces peuplements ligneux constituent l’habitat d’une faune spontanée variée et digne d’intérêt pour les visiteurs. Un étiquetage plus important des arbres remarquables et l’installation pérenne de quelques panneaux explicatifs, associés à la publication de brochures mises à la disposition du public, permettraient de mettre encore mieux en valeur cette richesse botanique et zoologique.
Le parc Montsouris nous montre qu’en milieu urbain, une forte fréquentation humaine n’est pas du tout incompatible avec une grande richesse et variété d’arbres, support d’une biodiversité remarquable. Espérons que les plantations à venir continuent d’enrichir et diversifier la flore ligneuse présente, avec des essais d’acclimatation d’espèces nouvelles adaptées, en provenance de toutes les régions tempérées de la planète !
Serge Muller, Professeur, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205 ISYEB, CNRS, MNHN, SU, EPHE), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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